Innovations en chirurgie du rachis - le point de vue du chirurgien

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Dr. Clément Silvestre, de la clinique Charcot à Lyon, partage sa vision de la relation avec les fabricants de dispositifs médicaux et du potentiel d’innovation dans le domaine du rachis.

Dans cet article – la dernière partie de mon entretien avec Dr Silvestre -, nous discutons de l’état de l’innovation et des développements produits sur le marché de la colonne vertébrale aujourd’hui et de ce que les chirurgiens attendent de la relation avec les industriels.

Cette discussion a permis de mettre en lumière des perspectives intéressantes à propos de l’évolution du matériel, la révolution robotique et les obstacles possibles imposés par la nouvelle réglementation « MDR ». Bonne lecture !

Qu’attendez-vous de la part des industriels ? Est-ce le produit, le service ou le relationnel le plus important ?

Les 3 sont définitivement clés ! Nous pourrions travailler un peu plus avec de grands laboratoires parce qu’ils proposent de bons produits, mais s’il n’y a pas de relation de proximité instaurée, nous ne serions pas satisfaits. Par exemple, nous nous fournissons auprès de grands laboratoires pour nos cages, mais si le représentant n’est pas assez compétent ou pas assez présent, je peux vous assurer que les infirmier(e)s ne seront pas à l’aise et devront se battre pour comprendre l’organisation des kits et de manière générale, comprendre la technique opératoire. 

Quand nous travaillons avec de plus petits fabricants, un représentant du laboratoire est présent dans 95% des cas.

Je connais évidemment l’instrumentation et les produits et pourrais assurer la chirurgie sans support. Toutefois, lors de cas de déformations complexes, j’ai besoin de me concentrer sur mon patient. C’est pour cette raison que l’équipe qui m’entoure, dont le représentant, est si importante pour me permettre cette concentration. Il est plus facile de construire cette relation avec un laboratoire à taille humaine. Les grandes compagnies très souvent ne nous prêtent malheureusement pas la même attention et nous voient plus comme un simple matricule.

Est-ce un autre avantage d’exercer dans un établissement privé où vous avez plus de contrôle sur le choix de vos fournisseurs ? Dans certains hôpitaux publiques, on impose de collaborer uniquement avec de grands labo capables de fournir des solutions globales.

En France, nous sommes libres de travailler avec qui nous souhaitons. C’est très facile ici à Charcot, nous devons seulement informer la personne en charge dans la clinique de notre choix de fournisseurs.

Dans d’autres centres publics ou groupements privés, les industriels doivent se soumettre à des appels d’offres ou encore se faire référencer auprès de centrales d’achat, ce qui pour le chirurgien, rend la liberté de choisir plus complexe.

À l’Eurospine de Vienne cette année, l’innovation dans le rachis semblait être au point mort avec beaucoup de produits « me too » exposés. Que pensez-vous du potentiel d’innovation dans le rachis ?

Il est difficile d’être révolutionnaire de nos jours. Nous ne percevons que de petites évolutions parce que la réglementation se durcit de manière drastique.

Aussi, il faut rappeler que notre job est de positionner correctement les vis et implants dans la vertèbre, ces implants restent très basiques – la forme est souvent la même, une vis longue avec un filetage. Une vis est une vis ! Je vois plutôt de l’innovation dans les implants sur-mesure, adaptés au patient, comme les tiges ou encore dans les instruments utiles à l’insertion de vis. C’est là où je vois les prochaines évolutions et le plus de révolution, mais cela prendra du temps.

Donc, vous pensez que l’innovation pourrait venir des instruments plutôt que des implants ?

Oui, je pense que les implants ne peuvent pas évoluer indéfiniment. Les cages restent des cages, de différentes formes ou avec des structures différentes (leur profil, à expansion etc.) mais elles restent toutes similaires.

L’innovation dont je parle est la robotique. Il y a plusieurs robots passifs / de visée pédiculaire pour la colonne vertébrale, cependant nous sommes loin du développement d’un système qui pourrait réaliser une fusion T3 – bassin comme je l’ai réalisé ce matin. Pour le moment, l’insertion d’une vis avec le robot est déjà un challenge, alors en placer 25 serait un cauchemar.

Quand on analyse l’évolution des compétences d’un chirurgien – et on discute avec un chirurgien senior, le placement des vis en zone thoracique était interdit et il n’était pas rare de mettre 30 à 40 minutes pour insérer une vis en zone lombaire ! Maintenant le placement d’une vis prend entre 30 et 60 secondes grâce à l’amélioration des techniques, des pratiques et des habitudes. L’innovation sur le design des vis ne devrait pas être prioritaire. S’il y a un problème sur le placement des vis, peut-être que le chirurgien a besoin de plus d’entraînement. Je pense d’ailleurs que l’entraînement des chirurgiens à la visée pédiculaire est un vaste problème. Nous n’avons pas assez de pratique en général. Nous ne devrions pas avoir besoin d’un robot parce que nous ne sommes pas assez précis car si le robot a le moindre problème ou panne, la chirurgie pourrait être annulée ! Les robots doivent être au service du chirurgien, pas le chirurgien au service du robot.

La robotique en chirurgie du rachis, vrai bénéfice ou bien gadget ?

Cela dépend de ce que nous attendons du robot. De nos jours, les centres hospitaliers font l’acquisition de robots pour le prestige, juste pour annoncer qu’ils sont les premiers à avoir un robot ou qu’ils sont les seuls de la ville à en posséder un. Cela n’aide personne ! Les robots devraient rendre la chirurgie plus simple, plus rapide, plus sécuritaire. Mais ce n’est pas le cas aujourd’hui. Les robots doivent s’améliorer, nous verrons bien ce que le future nous apporte.

Mais souvenez-vous, les robots ne sont pas la seule voie d’amélioration. Il y a maintenant ces lunettes de réalité augmentée. Mon rêve serait d’avoir une sorte d’exosquelette connectée à des lunettes de réalité augmentée qui pourraient me donner une vision supplémentaire associée à une nouvelle précision dans la paume de ma main.

Un peu comme IronMan ?

Oui, ce serait génial !

Que pensez-vous du futur de la colonne ? Quel type de service ou de produits voudriez-vous voir sur le marché ?

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Un autre sujet intéressant pourrait concerner la résection osseuse. Comme vous l’avez vu aujourd’hui pendant ma chirurgie, nous utilisons le marteau et le ciseau pour nos facetectomies. Nous avons aussi le “Misonix Bone Scalpel” qui est très pratique mais seulement dans certaines indications comme la décompression ou une laminectomie. Mais nous avons besoin de quelque chose de rapide et sûr pour les résections osseuses et pour libérer les facettes postérieures, le marteau et le ciseau restent encore les instruments les plus rapides. Avoir un instrument pour la résection rapide et peu encombrant serait fantastique.

Qu’avez-vous vu sur le marché récemment que vous souhaiteriez avoir dans votre bloc opératoire ?

Une navigation. Nous avons besoin d’une navigation, surtout pour les déformations importantes comme celle de ce matin. Plus la chirurgie est complexe, plus la navigation aide.

Que pensez-vous du MDR (nouvelles normes de mise sur le marché des dispositifs médicaux) ? Pensez-vous que cela va impacter l’innovation en Europe ?

C’est une nouvelle manière de travailler avec laquelle nous devons nous accorder, en particulier pour les dispositifs qui seront fournis en packaging stérile. Nous aurons donc les vis en sachet individuel plutôt que de les avoir sur table dans un rack. C’est une des raisons pour laquelle nous n’aurons pas de révolution dans les implants, mais c’est positif d’un point de vue sûreté patient.

Il y a des chirurgiens “gangsters” qui ont commis des crimes, comme l’implantation des prothèses PIP. Si le MDR peut éradiquer ce genre de pratiques, c’est certainement une grande avancée. Mais à cause de la mauvaise pratique d’une poignée de personnes, l’innovation sera deux fois plus contrôlée, en doublant le temps de mise sur le marché et possiblement son coût.

Que pensez-vous de la médecine personnalisé ?

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Je pense que la médecine sur-mesure est très importante. La chirurgie du jour comportait l’utilisation de tiges sur-mesure, ce qui améliore le temps opératoire. Nous anticipons la correction du rachis avec l’analyse et le planning de la chirurgie avant même d’entrer dans le bloc opératoire, avec la stratégie en tête.

Résumé – Ce que nous pourrions appeler la section “Ce que Matthew en a pensé”, mon avis personnel.

Il est évident que le Dr. Silvestre, Dr. Chevillotte et leurs associés sont une équipe remarquable. Tout comme leur clinique qui accorde une grande importance à la façon dont les patients et les équipes sont traités. Charcot est un excellent exemple de ce à quoi un bloc opératoire idéal pourrait ressembler.

Sur ce principe, et sur le fait que les quatre chirurgiens hautement qualifiés qui peuvent couvrir les pathologies de la colonne vertébrale avec les technologies disponibles les plus avancée sur le marché, Charcot est à la pointe de la chirurgie du rachis.

Nous pouvons nous questionner sur le futur de la chirurgie du rachis, ou les implants deviennent de plus en plus des commodités et où les aspects règlementaires jouent un rôle primordial pour la mise sur le marché de nouveaux produits.

Pourtant, je reste positif, avec des remontées d’information comme celles de l’équipe de Charcot, des nouveaux instruments et nouvelles techniques vont continuer à arriver sur notre marché, que ce soit une petite évolution sur un implant ou bien une vraie révolution dans la robotique.

 

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Matthew Henshaw, Founder / CEO / Recruiter, he acts as a recruitment strategist and startup mentor in the medical device industry.

My aim is to be at the forefront of innovative medical technologies. I know professionals I represent will only be interested in the most disruptive solutions. Connect with me on LinkedIn and schedule your online consultation to learn more about building a successful team in MedTech.